Un centenaire, héros
des guerres napoléoniennes, évoque sa jeunesse, et surtout
son passé militaire en Allemagne, ses victoires, sa légion
d'honneur... Après le désastre de 1870, un vibrant appel
à la revanche pour les jeunes générations qui doivent
trouver dans l'évocation de ce glorieux passé déjà
lointain, la certitude d'un victoire encore à venir. Faites comme
moi, semble dire ce vieillard, et vous retrouverez des raisons d'espérer.
Sur l'évocation
de l'épopée Napoléonienne et l'esprit de revanche,
voir aussi "Le Rêve passe"
qui date de 1906.
Après la victoire
de 1918, ce surnom sera donné à Clemenceau, et c'est sa photo
qui illustrera alors les partitions de cette chanson.
Amis, je viens d'avoir cent ans,
Ma carrière est finie,
Mais mon coeur plein de vie
Bat toujours comme au jeune temps
Le printemps parfume
Le jeu, le vin, j'ai tout aimé
Le gai tintin, le glouglou d'un flacon
Me mettaient folie en tête
Et lorsque j'étais pompette
Je me grisais d'une folle chanson
Mais l'enchanteur
Qui me faisait battre le coeur,
Plan, rataplan, rataplan,
C'était ce bruit là mes
enfants !
Vous qui passez là-bas
Sous cette tonnelle, entrez boire
Ah ! Buvez, jeunes soldats
Le vin du père la victoire
Brillant, vermeil
Nectar sans pareil
Il remplit le coeur de vaillance
Vin de l'espérance,
Buvez, enfants
Le vin de mes cent ans
J'ai soupiré pour Madelon
Jeannette ou Marguerite
Mon regard flambait vite
Dès que je voyais un jupon
Un corsage fripon
Ou bien un mollet ferme et rond
Ma lèvre aimait se reposer
Sur un joli menton rose
C'est une bien douce chose
Que le son clair que produit un baiser
Pourtant, malgré cela,
Un seul bruit me pinçait là
Plan, rata plan, rata plan
C'était ce bruit là mes
enfants !
Certes je fus aimé
Bichonné par plus d'une belle.
Ah ! corsage parfumé,
Coeur frissonnant sous la dentelle
On m'adorait
Rien ne résistait
Maintenant adieu la conquête
C'est pour vous la fête.
Buvez, enfants
Le vin de mes cent ans
J'ai vu la guerre au bon vieux temps
Quand nous faisions campagne
Là-bas en Allemagne
A peine si j'avais vingt ans
Et ce petit ruban,
J'ai dû le payer de mon sang
Pour mériter ce signe vénéré
Il fallait à la Patrie
Trente fois offrir sa vie.
Oui c'est ainsi qu'on était
décoré !
Alors un sénateur
N'eût pas vendu la croix d'honneur
Plan, rataplan, rataplan,
L'étoile était au plus
vaillant.
Quand je vois nos soldats
Passer joyeusement musique en tête,
Ah je dis, marquant le pas
Comme jadis la France est belle.
Comme autrefois,
Soldats, je revois
Carnot décrétant la victoire.
Marchez à la gloire !
Mes chers enfants,
Revenez triomphants.